Les bouchères - Sophie Demange
ROMAN15 ANS ET PLUS/LYCÉEFÉMINISMEAMITIÉ


L'avis d'Azalyaa
Le roman s’ouvre sur une atmosphère aussi tranchante que fascinante : celle d’une boucherie tenue par trois femmes à la présence puissante, dans un quartier bourgeois de Rouen. Très vite, le lecteur comprend que l’histoire dépasse le simple cadre d’un commerce de viande. Derrière la façade rose et les gestes précis du métier se cachent des souvenirs douloureux, une histoire commune marquée par la violence et la résilience. L’intrigue avance entre présent et fragments du passé, dévoilant peu à peu le lien secret qui unit les trois femmes. La narration joue habilement sur la tension, ménageant le mystère autour de leur histoire. Cependant, malgré une construction prometteuse et une montée en puissance bien menée, la fin du roman laisse une impression d’inachevé. Elle manque d’impact, et semble trop rapide ou trop floue au regard de la densité émotionnelle installée auparavant.
Les trois bouchères sont des figures fortes, entières, marquées par la douleur mais jamais soumises. Elles cassent les clichés habituels sur la féminité, brandissant fièrement leur force physique, leur liberté de ton et leurs ongles pailletés comme des armes de reconquête. Leur complexité les rend profondément humaines, et l’autrice parvient à faire sentir la rage, la tendresse, la fatigue et les cicatrices qu’elles portent. Leur passé, raconté par touches, renforce leur cohésion tout en laissant apparaître des tensions latentes. Le portrait de ces femmes est sans doute l’un des grands atouts du roman.
Ce roman aborde des thèmes puissants : la sororité, la reconstruction après la violence, la colère comme moteur de survie, et la lutte contre les normes sociales, notamment dans un quartier qui incarne la bienséance bourgeoise. Le rapport au corps est aussi très présent, dans ce qu’il a de brutal, de sexué, de blessé mais aussi de revendiqué. Il y a une vraie réflexion sur l’identité féminine en marge des codes habituels, sur la transmission des traumas et sur le choix de garder le silence ou de parler.
Le style est incisif, nerveux, parfois cru, à l’image de ses personnages et de l’univers qu’il dépeint. Il y a une vraie énergie dans les phrases, une volonté d’aller droit au but, sans filtre. L’autrice utilise un langage charnel, concret, qui épouse le rythme des gestes de boucherie tout en révélant les failles intimes. Malheureusement, cette intensité perd un peu de sa force dans les derniers chapitres, où l’écriture semble précipitée, comme si l’autrice avait du mal à conclure l’histoire avec la même justesse.
Le roman séduit par son audace, son regard sans complaisance sur la violence masculine, et ses héroïnes inoubliables. Il dresse un portrait fort et original de la solidarité féminine et des blessures enfouies, tout en bousculant les attentes.
Résumé éditeur
Rouen, dans ce quartier bourgeois, impossible de manquer la devanture rose des Bouchères. Depuis la rue, on peut entendre l'aiguisage des couteaux, les masses qui cognent la viande et les rires des trois femmes qui tiennent la boutique. Derrière le billot, elles arborent fièrement leurs ongles pailletés et leurs avant-bras musclés. Mais elles seules savent ce qui les lie : une enfance estropiée, une adolescence rageuse et un secret.
Lorsque plusieurs notables du quartier s'évaporent sans laisser de traces, les habitants s'affolent et la police enquête. En quelques semaines, les bouchères deviennent la cible des ragots et des menaces...
Caractéristiques
Titre : Les bouchères
Autrice : Sophie Demange
Éditeur : L'iconoclaste
La note d'Azalyaa


Date de parution : 23/01/2025
Nombre de pages : 320
Public visé : 15 ans et plus/lycée
EAN : 9782378804794